LOVELY BONES

Achan vibre sur les tympans, trouble délicat lorsqu’il éclot de ses lèvres un rictus méprisant, lorsqu’il grésille de ses orbes une lueur prédatrice. L’on chuchote dans les couloirs du palais où tonne la justice dévoilant d’un doigt tremblant la silhouette brumeuse qui se faufile dangereusement vers la salle des victimes. Il n’a pas de marteau comme les grands apôtres pour faire imposer sa décision ni de haut-parleur pour hurler ses imprécations, il ne possède pas de machine à torture simplement sa voix mielleuse qui traine des sauvageries illicites, dans ses yeux de braise rougeoyante il susurre le désir immense pour les juvéniles enfants. Rousses, brunes, blondes, il aiguise ses méfaits dans un carnet de cuir, le stylo tourbillonne, le cerveau danse, se remémore les baisers, les caresses forcées, une mèche de cheveux à chaque page, le doux surnom apposé sur les marges, et les objets brûlants distillés dans sa villa illuminée. L’on ne s’approche pas de la cave, ni du grenier qui hébergent les cris désemparés des enlevées, papillons sublimes qu’il observe pour se repaître de l’innocence immaculée de ces adorables gamines. Il aime les briser, dans le sadisme de sa convoitise, dominant est-il. Toujours habillé de costume impeccablement repassé, il a déjà frappé à la mort ses domestiques, des gants de cuir pour la rue, il avance conquérant dans son royaume enflammé, la cravate est toujours à demi détachée donnant le look recherché du gentilhomme sympathique. Il souffle dans l’oreille des saints des immondices d’images, implante dans l’âme des vertiges immatériel, il aime à accueillir lors de grands sabbats ses amitiés, ritournelles de démons qui avalent les sirènes vêtues de rien, vêtues de passion rouge comme le sang sur ses babines. La musique trompe les sens sur son territoire, surtout au sous-sol, l’on peut distinguer les harmonies de la harpe, les tendresses du piano, les extases du violon, guitares et batteries détruits par l’énervement du diable, il monte les marches l’empereur paradant dans sa nudité d’un fin linge recouvrant sa virilité. Silence quand les clefs tintent dans la serrure, les fillettes se cachent apeurées par la haine suintant de son être. L’homme implacable est ambitieux également, d’un ordinateur dans son bureau gigantesque toujours allumés, les néons révèlent les abominables passions du Juda démoniaque, de culpabilité il transforme en fierté, de honte il métamorphose en orgueil ; les crimes qu’il commet trouve la subtilité éphémère, rarement mais tout de même il apprécie de fabriquer des œuvres insensées, de charognes manipulées, soignées, d’un marbre gelé il a déjà exposé sur le parvis des places bondées les terribles châtiments des traitres, des menaces pour les gens qu’il défend.

Le gosse trébuche, ses jambes tremblantes sur le sable humide laisse des traces du passage de la tristesse sur son visage masqué par les pleurs. Déjà huit années de vie pour le faible corps recroquevillé, une famille d’où suinte la maladie, les mentalités dépressives hurlant au public des insanités, c’est l’enfant chétif qui s’occupe de la mère, qui essuie les larmes de vierge bafouée ; l’enfant d’un viol qui subit les coups et les mots barbares. Près des vagues scintillantes il observe, la lune lance son regard étranger étincelant les écumes vaporeuses de cette mer solitaire, calmes sont les précipices des falaises loin à l’azur sombre de ses pensées. La forme des monstres, grotesque litanie de pierre, s’approchent comme un seul titan gigantesque, devant l’agneau apeuré ils dévoilent leur rictus moqueur baigné de canines affamées. Les orbes du chérubin ne ploient pas devant l’ennemi, devant cette Eve immaculée qui récoltent les éloges des grandes personnes, cette petite fille l’auréole sur ses cheveux de lins, fine manipulatrice tandis qu’elle bouscule l’innocent vers la noyade, car elle le sait, dans ses agates brillent les méfaits, la curiosité luisante du meurtre. Les orbes du chérubin ne supplient pas les bourreaux, ils bruissent de colère contre les poursuivants. Ils sont trois, trois sauvages marbrés de méchancetés sentencieuses, trois statues féroces entourant le pâle indigène qui se débat des prises implacables. Il sent l’eau, sel moite sur son pantalon usé puis les mains graisseuses sur son crâne pour couler le mécréant garçon, le bouc sacrifié. La juvénile sirène parle, il n’entend pas au fond du ravin, avalant, tentant de respirer mais s’étouffant dans la rage des envolées ondes, la fatigue, les poumons essayant de rejeter cette vase affreuse, tenter de respirer, tenter de reprendre ce bout de vie qu’il voit s’échapper loin de lui, ne pas fermer les paupières et se venger. Il murmure dans son esprit embrumé des cruautés naissantes, de ces actes insensés il en fera des corolles de réponse. Soudain les persécuteurs s’enfuient, nuée de cafard s’effaçant dans l’atmosphère étoilée, le vieillard recueille l’esseulé dans ses bras chaleureux et l’emporte au phare de sa destinée.

Achan erre dans les dédales de son palais de lumière, le marquis hésite entre ses doigts fait rouler une fine cigarette allumée où la braise éclot des grains des parades d’incendie, son bureau souffle des chuchotements des biches venues ici, celles échouées, péries sur les planches de bois vernis entreposées le long des murs, beau spectacle que cette immensité d’espace, là où s’ennuie le lion assoiffé. Le roi s’assoit, tranquillement sur son fauteuil de cuir blanc, l’ironie d’une décoration attirante pour l’œil des spectateurs, des pièces qu’il montre pour les candides invités, d’autres cachées pour les vices de ses envies dilapidées, de son passé il ne susurre rien que des mensonges aux idiots demandant, mystère flottant dans ses esquisses où les coups de crayon ravagent les doux visages rapiécés de lambeaux, de ces poupées commandées pour le désir des peuples de porcs ; l’ami lui a ordonné que certaines soient arrachées du berceau, vendues pour les plus riches. L’homme sourit quand il repense à sa dernière maintenant ébouillantée, ses membres jetés dans la boite de métal qu’il propulsera du haut de la décharge. De parents qui chercheraient l’enfant dévêtues il n’y en a guère, celles-ci viennent de loin, contrées sublimes d’exotismes. Les clés aux doigts arachnéens, la voiture obéit, carlingue luxueuse aux sièges cirés ; tourbillonne le viril dans les rues de sa chère Florence traversant les monts bondés jusqu’au secret gardé d’un entrepôt délabré. Ici se déroule une mascarade morbide, deux hommes, deux cerbères gardant les beautés délicates alignées le long des murs, effrayées du sanguinaire qui se repait de la vision soyeuse, extase des sens alors qu’il respire gourmand, un bruit rauque jaillissant de sa gorge, de ses entrailles meurtries. Il ne touchera pas aujourd’hui, il choisit simplement les concubines pour garnir la maison cloitrée.